La
première base russe du Normandie: Ivanovo
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Le
29 novembre, ils ont atteint Moscou, en provenance de Gouriev. Ils
repartent presque
aussitôt pour Ivanovo, situé à environ
250 km au nord-est de Moscou. C'est un court vol d'une heure. Le premier
Lisounov se pose à la nuit tombée, débarque ses
passagers et repart aussitôt... Laissant une vingtaine de français
en terre étrangère, sans nouvelle de leurs compagnons
que la tempête de neige a retardé. Ils arriveront plus
tard.
La base d'Ivanovo offre l'aspect d'un grand bâtiment peu engageant
: malodorant et mal éclairé. Ils s'installent à trois
ou quatre par chambre. Trois fois par jour, ils se rendent au réfectoire
(ou Slavatoï) pour y prendre le sempiternel borj, accompagneé de
cacha (un pain noir et gluant), d'une rondelle de saussisson et d'un
verre de thé. Les premières semaines sont déprimantes.
Ils doivent attendre leur matériel dans ces bâtiments
sombres et mal chauffés. Quand ils demandent quand ils l'auront,
on leur répond invariablement "zavtra" : "Bientôt".
Ils passent donc leurs journées confinés dans ces bâtiments
aux radiateurs tièdes. Pour passer le temps, ils se lancent
dans des pokers endiablés, où "fortunes" et "ruines" égaient
un peu l'attente. On leur permet, très exceptionnellement, d'écouter
la BBC (en particulier l'Overseas Service). C'est le seul lien avec
le monde extérieur. Si des haut-parleurs diffusent constamment
des émissions soviétiques, la qualité du son est
si médiocre que l'on ne parvient pas à savoir s'il s'agit
de musique ou de bulletins d'information !
Il est interdit à tous de quitter la caserne : ils ne possèdent
pas encore de cartes d'identité. C'est difficile à supporter
pour ces jeunes gens qui n'ont pas le fatalisme des russes... Deux
mécaniciens, aux sentiment communistes, font de la prison pour
avoir voulu aller en ville sans ces papiers... Ils y passeront quinze
jours, sans couverture, par -25°. On ne badine pas avec le règlement
dans l'Armée Soviétique.
Finalement, les cartes d'identité arrivent fin décembre.
Ils peuvent alors quitter la caserne pour aller en ville. Ivanovo est
distante de cinq à six kilomètres de la caserne. Elle
est presque aussi triste que celle-ci : pas de café, pas de
boutique. Les seuls lieux un peu gais sont le théatre et le
cirque...
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